En débarrassant du bordel il y a 2 semaines, j'ai trouvé une vieille façade de faux tiroir de cuisine (~60x13x2 cm) en chêne massif. Au lieu de la balancer, j'en ai tiré des boomerangs et profité de l'occasion pour faire quelques photos des étapes (1ère fois que je travaillais du chêne). En fait, avec le bruit produit par la défonceuse/ponceuse quand j'ai réalisé
ceux pour Zytra et les miens il y a 10-11 mois, le voisin m'avait demandé ce que je fabriquais, et comme il est sympa, j'ai eu l'idée de lui en faire un dans ce morceau trouvé. Pour ne pas perdre de temps, d'autres booms ont été faits en même temps vu que les outils étaient en place et réglés...
La technique de fabrication est un peu différente et plus longue que la méthode classique consistant à découper directement les formes dans des panneaux de contreplaqué avion par exemple. Ici, le boom est un assemblage collé de 2 planchettes (ou plus si on veut, selon le design) qu'on appelle typiquement un "mi-bois" du nom de ce joint simple de charpenterie utilisé. L'un des avantages, c'est qu'on peut aligner les fibres avec les pales et donc avoir un maximum de rigidité pour celles-ci dans leur longueur. On peut aussi mélanger diverses essences pour faire de belles choses quand les bois ont de jolies structures
. On privilégie les bois durs et bien secs autant que possible (hêtre, chêne, noyer, frêne, pommier, etc.) pour avoir quelque chose de résistant, non déformable dans le temps et d'une densité correcte. Un boom en épicéa ou en sapin ne vaut pas grand-chose quoi : ça tombe, ça casse presque assurément
.
Les quelques étapesLa façade est débitée en 4 morceaux égaux pour en faire 4 bipales. Avec un seul collage voulu, les designs possibles sont un peu limités du fait de la faible largeur mais on s'arrange au mieux. Le chêne est un excellent bois, mais son grain est assez grossier avec des porosités et des canaux bien visibles (on le voit sur quelques photos). Il ne permettra pas un fini aussi soyeux que du hêtre, par exemple, qui est un bois beaucoup plus fin. Néanmoins, le but n'est pas de tout camoufler sous de la peinture, au contraire, on gardera l'attrait du bois naturel :
On recoupe ces 4 gros morceaux pour en faire 8 planchettes de ~8 mm d'épaisseur sans partir de travers
. Malgré une scie mordante et de l'entrain, il faut près de 25 min pour en couper un seul tellement le chêne est coriace
. Pourquoi je n'ai pas une scie à ruban qui me ferait ça en 20 s ? Il faut ensuite en faire des planchettes à faces parallèles de ~6 mm d'épaisseur car le sciage donne une face crado. Pas de photo, mais faute de dégauchisseuse/raboteuse, c'est un montage avec un défonceuse montée statique qui rabotera tout ça à la hauteur désirée (résultat visible sur la photo ci-dessus). C'est bien plus long vu le faible diamètre de la fraise, mais ça fonctionne bien malgré la tonne de copeaux que ça éjecte
:
On peut maintenant passer à l'usinage du joint mi-bois, toujours avec une défonceuse (on fait tout avec ça
). Il y a plusieurs façons d'y arriver selon le matos disponible, mais peu importe. Cette fois, la planchette est correctement bridée de tous les côtés pour garantir les épaisseurs enlevées, sans quoi elle dégage/vibre quand la fraise à près de 30000 tr/min l'attaque, avec le risque élevé de tout bousiller. Un tasseau est réglé angulairement (ici presque à 90° sur la photo, mais ça varie selon l'ouverture au coude du boom) pour guider la base de la défonceuse afin d'avoir les 2 planchettes de chaque boom usinées au même angle sans quoi le joint sera irrégulier et moche
. On ne s'attarde pas car le bois brûle et noircit très vite si la fraise reste immobile. En 15 s, c'est plié :
On enlève la moitié de l'épaisseur sur chaque planchette, ça laisse donc 3 mm. Les petits murs à 90° doivent être bien droits et les 2 surfaces aussi planes que possible pour avoir un collage optimal :
Aucun décalage angulaire de chaque côté, alignement et affleurement impeccables, du réglage de qualité
. La ligne de joint sera quasi invisible au final :
Pour l'encollage, plutôt que de la colle à bois qui serait toute avisée, je préfère l'époxy. Elle donne un joint plus costaud, car le collage peut s'avérer être un point faible mécanique, même si on s'arrange dès le début pour maximiser cette zone de collage en fonction du design et de la largeur des planchettes à disposition. On peut aussi éventuellement utiliser une ou plusieurs goupilles de bois dur à travers tout pour améliorer la tenue en cisaillement dans le cas de grands modèles :
Les surfaces sont légèrement striées au cutter pour améliorer l'adhésion. On mélange bien les deux composés directement sur les surfaces en étalant en même temps et en ne trainant pas trop car c'est de l'époxy rapide et qu'il y a de la surface à couvrir (double encollage pour bien mouiller les surfaces). Au bout de 5 min, on sent déjà que ça commence à bien polymériser et il ne faut plus tarder pour brider tout ça gentiment sans bouger. On s'arrange pour que l'ensemble reste bien à plat et que les pales ne prennent pas d'incidence ou de dièdre mal venus pendant le durcissement, ce qui est chiant, voire impossible, à rattraper et peut compromettre très sérieusement son aptitude au vol :
Après 24 h, un coup de scie sauteuse et de ponçage pour avoir une forme extérieure sans défaut pour la suite. La forme obtenue est bien rigide :
Avec la défonceuse montée à l'envers sur un plateau pour l'utiliser en toupie, on ébauche tout le tour avec une fraise à 45° pour avoir une base régulière sur les bords d'attaque, en faisant attention à ses doigts
. On ne voulait pas de défaut précédemment car c'est le roulement guide en haut de la fraise qui prend appui sur la forme pour faire le chanfrein à la distance réglée. S'il y a un accroc sur la forme, il sera reproduit et il faudra rattraper au ponçage ensuite. Normalement, on plaque un gabarit parfait sur la forme prédécoupée pour que le roulement prenne appui sur son flanc, mais on ne fait ces gabarits que si on fait de la série pour aller très vite ! Ici, ça n'a aucun intérêt pour un seul exemplaire...
Une fraise 1/4 de rond est un meilleur choix, mais il faut un gabarit pour faire au mieux ou une planchette plus épaisse, car la hauteur de 6 mm n'est pas suffisante ici pour que la fraise puisse vraiment attaquer avec sa partie arrondie (rayon courbure 6 mm), le roulement doit monter assez haut pour cela. Dans le cas présent, il est dangereux d'essayer de faire rouler le roulement aussi haut que possible sur seulement ~0.5 mm, car le moindre dérapage et la fraise fait un vilain carnage dans le boom
:
On peut tout faire à la main, mais une ponceuse à bande statique, un tambour à poncer ou une lime électrique permet de dégrossir bien plus rapidement les profils et arrondir tout ça. On se rend compte là aussi que le chêne est dur par rapport à d'autres bois, c'est sensiblement plus long à poncer malgré le P60 pour arracher rapidement au début. On complète à la main avec une râpe douce, des limes et du papier sur cale ou non pour les endroits inaccessibles. Le tout pour avoir des surfaces régulières sans vagues ni creux et arriver à une épaisseur de ~5.5 mm (entre 5 et 8 mm environ selon le bois et l'envergure) :
Allure d'un profil classique en bout de pale où seul l'extrados est travaillé ici. A améliorer éventuellement lors des tests selon ce qu'il fait et ce qu'on veut (profil +/- marqué pour être +/- portant, travail de l'intrados, chanfrein sous les BA/BF, trous, lest...) :
Et enfin, finition avec un ponçage fin, un peu de lasure pour faire ressortir le veinage, peinture éventuelle pour faire contraste sans trop cacher (le modèle peint est pour le voisin), suivi d'un vernis final pas encore appliqué. Le modèle de droite est encore brut et à peine découpé pour voir la différence. Les 3 ont été testés, réglés et sont bons pour le service. Ils font entre 60 et 70 g pour ~35 cm d'envergure et vont au minimum à 30-35 m. And voilà
:
A vos scies maintenant !